Le silence est vertigineux. Sur la paroi glacée. Rare césure, intervalle infime, répit glissé à grand-peine, entre deux phrases de la mélodie infinie de Bach. Pas le silence oppressant, oppresseur qui est absence de dialogue, non-communication, refus, impuissance de communication. Silence éveillé, non fermé. Sans séparation. Pour une raison mystérieuse que je recherche, cette variété de silence est presque inconnue en occident. Familière à l'orient, plus encore à l'orient extrême, je l'y ai souvent éprouvée, étudiée. Rarement ici. L'occident moderne la fuit, l'ignore, la détruit. C'est un drame. Drame culturel, spirituel, psychologique. Drame politique de surcroît, au sens où Sartre croyait savoir que le silence est "réactionnaire". Le silence éveillé n'est pas réactionnaire. C'est un univers de communication intense. N'y accède pas qui veut. Longue ascension. Ici non l'Everest, mais la montagne religieuse, interdite à l'escalade. Le mont sacré, près de Pokhara. Deux sommets, queue d'un gigantesque poisson, dressé en l'air. Machha puchhre, en Népali, माछापुच्छ्रे -- langue que je ne connais pas, ne connaîtrai jamais. Plus je sais, moins je sais. A l'abandon, le temple de la philosophie du parc d'Ermenonville, aimé de Rousseau, où se cache son tombeau, à l'ombre, à l'abri des peupliers. Demeure oubliée de Minerve, d'Athéna. Intelligence perdue. Au Japon Hei-rin-ji, 平林寺 le temple de la Forêt paisible, théâtre des entretiens de Huang Zun-xian 黃遵憲 (1848-1905), diplomate et poète chinois épris du Japon, avec le daïmyô (大名) O-kô-chi Te-ru-na 大河内輝声. Trois repères de ma vie. D'une vie. Jalons. Amers. (17 décembre 2016)
""Chevaucher le taureau" Il faut beaucoup de temps, d'expérience, de travail sur soi, et de chances diverses, c'sst-à-dire de cadeaux successifs de la Povidence, pour comprendre le sens profond de cette expression védique et sa valeur pratique. Et plus encore dans l'état d'esprit contemporain et dans la culture d'ici qui nous vit naître. L'image dite " romantique" de la culture française et du Français à Shanghaï est pour le moins ambiguë et trompeuse. Un collègue japonais, membre avec moi du jury des épreuves de frnçais pour le concours des interprètes-traducteurs au ministère japonais des affaires étrangères à Tokyo, m'éclaira fort à propos, et m'ouvrit des horizons, en me faisant remarquer que les candidates les plus séduisantes possédaient avec moi un fort avantage, se reflétant dans ma notation, par rapport à la sienne. Loin de m'offusquer de cette observation, j'en tirai un enseignement, car il avait raison, et cette vérité me fut utile jusqu'à aujourd'hui. Les Français prennent rarement conscience du fait que leur passion pour les femmes et leur intérêt pour le féminin en général leur vaut d'être la risée de cultures en leur fond très différentes. Tolstoï et Toiurgueniev y ont fait allusion d'une manière discrète. Quant aux Coréens, Chinois et Japonais, ils sont trop polis, trop bien élevés, ou trop pudiques pour en parler à voix haute et aborder le sujet ouvertement et directement.
Or,je tiens pour l'un des secrets les mieux gardés le fait que, ,si l'Asie a pu si vite combler ses retards, c'est avant tout grâce à son aptitude à mobiliser teoutes les énergies, y compris sexuelles, d'une façon collective. En d'autres termes, les traditions mises en avant et honorées par la Grèce et l'Inde ne furent jamais oubliées et négligées sur Le continent asiatique, à la différence de ce qui se produisit ici. Le peu d'explications ou simplement d'intérêt et de temps accordés à ces points dans l'éducation dans la culture ambiante en général, à l'exception puut-être des milieux et de cercles étroits de l'enrtraînement sportif qe haut niveau --- c'est en tous cas une hypothèse -- se manifeste par l'obscurité assez curieuse, l'absence de compréhension, l'indigence surprenante de la majorité des poopos, discours et commentaires concernant le célibat des prêtres, ces derniers se situant en première ligne, s'agissant de cet enseignement védique, eu égard à la conversion des énergies vers le haut, non vers le bas, en direction du divin, du bien, du beau et du vrai.
L'énergie primordiale qui vise à la perpétuation de l'espèce est divine, mais qui ne voit que la pure et simple continuation de soi, égocentrique malgré les apprences et le renouvellement du genre humain, dans un monde surpeuplé, n'est pas, ou plus un exploit, ni la plus haute haute des réalisations possibles. Autrement dit, engendrer, enfanter, donner naisqsance sur un plan physique est une chose, mais engendrer, zenfanter, donner naisssance sur un plan spirituel, immatériel, est tout autre chose. La paternité et la maternité dans le monde spirirituel constituent un devoir supérieur. Byron est allé jusqu'à avancer et soutenir que ouutes les grandes inventions et découvertes ou conquêtes d'importance majeure furent le fait d'hommes sans charges de famillle, sans enfants. Si des exceptions ou cas particuliers infirmant ou confirmant cette règle viennent immédiatement à l'esprit, il n'en demeure pas moins que, le plus souvent, s'adonner pleinement et intensément à l'un des deux plans implique le sacrifice, l"abandon ou la négligence de l'autre ; c'est encore plus vrai pour le monde féminin que pour les hommes, ce qui, en soi seul, explique, sans les justifier, les avantages et le privilège relatifs dont bénéficient depuis toujours ceux-ci. "Chevaucher le taureau" tel est le secret souvent perdu de l'art, de la science, de la ferveur eligieuse, de l'exaltation vitale en leurs sommets. La joie pure et simple, l'euphorie surnaturelle du ravissement ; le plaisir sous la forme d'un gai savoir.
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L'orgueil intellectuel est je crois considéré par beaucoup de théologiens comme le pire, comme le péché par excellence. C'est en effet désirer se mettre à la place de Dieu, usurper sa toute-puissance, vouloir le concurrencer, entrer en conflit et en compétition avec l'absolu exactement en son centre. Bien que la manie de menacer autrui en s'appuyant sur la crainte de Dieu et en citant les Psaumes, n'ait pas mes faveurs, il est vrai que l'humilité et la modestie, le efus d'exercer seul, sans contrôle, la toute-puissance de l'esprit, fût-ce au nom de l'espèce humaine entière, est un pas important sur la voie de la sagesse. Sont portés vers cet orgueil les savants en général, les philosophes en particulier et les historiens, accoutumés, par métier, à brasser les siècles en quelques phrases, si ce n'est en quelques mots.
Le survol intellectuel est à la fois une présomption et un grand péril, tel celui de l'aviateur qui domine de très haut un territoire, et pour qui tout devient gris, banal, ou abstrait et en un mot fuyant Saisir la réel en son coeur, en son centre, se mettre à son niveau voilà une entreprise rare et ardue, celle dont se réclamait la phénoménologie, à sa naissance, même s'il faut bien admettre que sa croissance et son développement furent des échecs. Il est impossible de saisir profondément et définitivement quoi que ce soit, au moyen de l'esprit réduit à ses seules forces, sans l'aide de Dieu. D'où découlent les limites et le statut inférieur de la "servante", la philosophie par rapport à "la maîtresse", la théologie une fois clelle-ci délivrée de ses excès et de ses travers.
Pzr malheur, au plan global, l'humanité, créée à l'image de Dieu, en tous cas douée de raison, pas seulement de folies, non dépourvue de logique et d'esprit, et de plus chargée de peupler la terre, de veiller sur ensemble de la création et des créatures ne pouvait que s'engager dans la voie qu'elle a prise et d'où elle ne peut plus sortir, plus du tout s'extraire.
Ayant tout disséqué, analysé, et en somme "démonté" les organismes, y compris le sien propre, dans un état d'esprit de liberté et d'expérimentation sans frein, le genre humain se trouve à présent dnas la désagréable obligation de tout remettre en ordre, y compris le climat, le jeu naturel de ce qu'on appelle significativement les "éléments" , terre, eaux, air (vents). Et "remonter', reconstruire, réorganiser ces ensembles, afin d'y introduire des harmonies, au besoin plurielles et nouvelles, paraît pour le moment une tâche au-dessus de ses forces.
Néanmoins, les plus orgueilleux des intellectuels espèrent continuer jeuqu'au bout à prendre la place de Dieu, ne doutant point qu'ils puissent corriger, améliorer, réparer son oeuvre - et la leur -- optimisme délirant où l'homme non seulement se diviniserait mais outrepassant toute limite, y compris celle qui oppose le masculin au féminin, atteignant une sorte de transcendance des sexes par une abolition techno- scientifique de la dichotomie yin-yang, proclamée par la pensée chinoise comme la loi ultime. La reproduction, la perpétuation de l'espèce s'opéreraient donc en éprouvettes et d'une manière artificielle, non naturelle, point le plus haut possible atteint par l’intellect dans ses prétentions à la toute-puissance, à la domination de la Nature y compris la sienne, la nature humaine.
Ambition très ancienne, puisque Pascal dans sa conversion, se réfère au "Dieu des savants et des philosophes" qu'il abandonne pour le "Dieu de Jésus-Christ", pour le Père . Revenir à la foi au Père éternel, dont les noms sont multiples selon les cultures, et rejeter l'illusion folle de pouvoir se passer de Lui, tel est le devoir et le salut d'iun intellect humble, conscient de ses faiblesses et de ses limites. C'est une démarche qui semble plus individuelle que collective car la société dans son ensemble répugne à mettre un terme, ou simplement un frein à l'orgueil de savoir, et plus encore de pouvoir sans cesse davantage : l'école, l’instruction en soi étant une véritable pépinière d'orgueil intellectuel insatiable, impuissant à se détruire, ou simplement se réguler; ui-même, puisqu’il faudrait alors passer sur un autre plan, supérieur ou interdit, au besoin par la Loi, celui de la religion ou de la spiritualité conscientes. Et c'est pourquoi aucun Salut socio-politique n'est à attendre.
J'ai moi-même mis un temps infini à me libérer de l'orgueil intellectuel, travail inachevé si j'en crois les critiques que je reçois et les lecteurs qui me semoncent. Qu'ils sachent que je me semonce moi-même. Or il faut avoir en soi une certaine dose de 'fiel" pour dénoncer le fiel" d'un inconnu en trois phrases, sans y avoir été prié, au nom de la noblesse du bouddhisme. Parabole de la petite paille et de l'énorme paille dans les Evangiles.
Mon respect envers radio Notre-Dame est entier et constant, ainsi qu"à toutes les personnes de Bien et de mérite qui y travaillent,et que je remercie du fond du cœur. Que je ne puisse choisir d'une façon claire et définitive, entre bouddhisme et christianisme, entre Orient et Occident est ma croix personnelle, et à l'issue d'un si long séjour "hors des murs", j'en assume pleinement le drame et la responsabilité. C'est toute l'histoire de ma vie. Je ne demande qu'un peu de compréhension. Et compte tenu de mutations rapides du monde présent, je ne me sens pas si seul.
L'idée m'est venue de me livrer par écrit à une confession générale, ici même, d'une manière synthétique. Certains ne manqueront pas de trouver cette initiative et ma franchise saugrenues et ridicules ; d'autres, je l'espère, y porteront intérêt, et s'en inspireront. L'exercice est ardu et demande un certain courage. Rarement imités, à l'évidence, Saint Augustin et Rousseau sont allés très loin dans ce domaine. En résumé, toutes mes fautes, erreurs, errements, égarements, sont à regrouper sous trois points essentiels. Ces trois chefs d'accusation, d'auto-critique et de repentir, pour ainsi s'exprimer, sont en premier lieu, avant tout 1) l'orgueil intellectuel, une hyper-intellectualisation menant à la croyance en la toute-puissance de l'analyse Consécutivement, en second lieu 2) l'adoption d'un point de vue esthétique sur le monde, la vie et toutes choses. Et 3) en soubassement général de ces deux processus une hyper-sexualisation, ou hypersexualité assez coutumières et considérées comme quasi normales dans nos cultures, sous nos climats -- un phénomène contre lequel je n'ai cessé de lutter, en vain d'abord, puis de mieux en mieux, grâce à l'expérience et divers facteurs de chance qui sont exposés dans mes romans, récits, carnets, et jusqu'à la moindre de mes courtes nouvelles. Qui lira l'ensemble de mes écrits (disponibles sans frais sur le site scientifique américain, mais ayant sa base semble-t-il à Berlin :www.researchgate.net ) sera à même de disposer de tous les détails touchant ces trois processus. sur lesquels je reviendrai ici, les reprenant un à un.
Comment aider autrui tout en s'aidant soi-même dans un monde devenu, plus que jamais, lugubre et absurde ? Donner la moindre pièce à un quêteur, un mendiant, un nécessiteux, ou leur faire cadeau d'un sourire, ou seulement d'une onde psychique favorable, voilà un moyen simple de changer le monde. Faire l'aumône, c'est se rendre heureux soi-même. Celui qui la reçoit apporte ainsi un secours imprévu à celui qui croit secourir à sens unique ; le don est un acte de réciprocité.
L'écrivain polonais Marek Hłasko (1934-1969), malgré ses insuccès et ses échecs, ou à cause d'eux, se fit une haute conception de la littérature, en tant qu'entreprise de dévoilement le plus intime possible de soi. Les grands écrivains, et même certains parmi les petits et les moyens, se livrent totalement dans leurs oeuvres. Leur soif et leur faim de fraternité et d'amour les poussent à se donner, se sacrifier avec sincérité, au rebours de ceux qui ne cherchent qu' à se protéger, fortifier leur égoïsme, ou empoisonner autrui. Le ton d'un discours ou d'un écrit se manifeste d'emblée de lui-même. D'où parle celui qui ose ainsi s'exprimer, de quel niveau, de quel lieu ? montagne, mont, colline, promontoire, chaire, tribune, et de quel droit ? quelle conception se fait-il de ses efforts, de son travail, de sa fonction ? Avec un peu de flair et d'expérience, ce seul critère disqualifie bien des propos. Est-il vraiment indispensable de lire ce journal, cette revue, ce livre, d'écouter ces ondes ? telle est la question première. A une époque où tout s'imprime, tout s'exprime, tout se dit, tout se fait sans honte, rares sont les voix ou les plumes qui réussissent à passer d'une façon satisfaisante ce test. Or il existe une philosophie ni sèche ni technique, commune à tous les grands écrivains, et aussi aux grands artistes, par-delà les différences, au-dessus de tout contraste ; ils ont un grand coeur et ne s'épargnent pas.
Il me faut lever une ambiguïté qui m'est apparue après réflexion dans un second temps, puisque se publier, s'éditer rapidement soi-même est un risque ( voir mon petit article passé, deux ou trois ans plus tôt, sur le thème : avantages et désavantages d'écrire un blog) A l"intention des personnes qui me connaissent de près, il me faut dire que la page précédente était une libre improvisation., une fantaisie, certes parlante, mais n'indiquant pas quelque aventure ou bonne fortune de plus : car il y a beau temps que j'ai fait le deuil du ventre. Et j'enjoins quiconque, comme Hugo, à s'engager dans cette voie qui, pour notre époque, est à contre-courant. parce que le raisonnable et le déraisonnable sont de nos jours inversés. Et pour qui en est curieux, ma vie saignante entière se trouve dans mes écrits : romans, journaux de voyage, carnets de bord.